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Après la Traduction Assistée par Ordinateur (TAO)………place à la Traduction Automatique (TA) !

Le traducteur « humain » a-t-il encore un avenir ?

Traduction assistée par ordinateur, traduction automatique…la technologie envahit la traduction. C’est clair. Et on ne pourra rien faire pour l’arrêter !

Car l’automatisation est en route, et avec les progrès (rapides) en matière d’intelligence artificielle, la machine et le robot sont déjà capables de battre l’homme dans de nombreux domaines, voire de le remplacer. Ainsi de nombreux métiers sont-ils amenés à disparaître à plus ou moins long terme. La traduction est aussi gagnée par le phénomène. Mais la traduction sera-t-elle automatisable à 100% ? La machine supplantera-t-elle l’humain pour toutes les traductions ? La question peut être légitimement posée.

Lorsque la fameuse TAO (traduction assistée par ordinateur) a fait son apparition, on a assisté à toutes sortes de levées de boucliers, notamment comme quoi la technologie allait tuer le traducteur ou qu’elle allait le robotiser. Les craintes étaient là…et elles étaient justifiées !

Mais 15-20 ans plus tard…le traducteur (humain) est toujours là !

Et il se sert abondamment de la technologie. Aux débuts de la TAO, mes collègues avaient à l’époque freiné des 4 fers pour ne pas envisager la TAO, quel qu’en soit l’angle d’attaque ! Car cela contribuerait à plus d’automatismes, moins de spontanéité, donc un rédactionnel moins fort !

Mais peu à peu, la TAO s’est imposée. Tout d’abord dans le domaine de la traduction de documents techniques, où son application était la plus pertinente car elle y obtenait les meilleurs résultats. Puis petit à petit, elle est devenue la norme et tout le « secteur » a fini par s’y mettre. Il y a bien sûr encore quelques réticents, et nous en avons longtemps fait partie. Mais un jour, un client nous l’a imposée, et nous avons fini par nous y faire et l’adopter, puis par l’exiger également de nos freelances. Et il n’y a pas un projet aujourd’hui où nous ne l’utilisons pas. Les projets de résultats annuels sont en général les dossiers où l’on en tire les plus grands bénéfices. Je ne vous dis pas que nos traducteurs sont ravis d’utiliser la TAO. Ni que la TAO favorise une meilleure traduction. Mais si l’on fait la somme de tous les avantages qu’elle présente, ils sont tout de même plus nombreux que ses inconvénients. Malgré les « contraintes », la TAO se justifie donc pleinement.

Alors qu’en sera-t-il de la traduction automatique ? Faut-il la rejeter également ? Ou se l’approprier au plus vite ?

Une chose est sûre : alors que la TAO a mis un certain nombre d’années à gagner du terrain, il semble qu’il n’en sera pas de même pour la traduction automatique. Car celle-ci progresse de manière phénoménale, voire même fulgurante. Car la traduction automatique a fait un bon énorme depuis simplement…2010 ! Et qu’elle va encore progresser énormément à court terme.

A quoi cela est-il dû ? Et bien, à la différence de la TAO, la traduction automatique est « intelligente ». Entendez : elle apprend. Et elle apprend vite et bien ! Car elle relève de l’intelligence artificielle. Et dans ce domaine, on ne compte déjà plus les nombreuses victoires enregistrées par « l’intelligence artificielle » face à l’homme. Et là, je ne parle pas de traduction. L’IA AlphaGo a par exemple encore battu en mars dernier le champion du monde de go ! (pour voir l’article, cliquez ici). Et l’on utilise déjà des robots en chirurgie !

Mais au fait, c’est quoi la traduction assistée par ordinateur (la fameuse TAO) ?

La TAO est la technologie développée notamment par quelques leaders du marché comme SDL depuis la fin des années 90 et le début des années 2000. Basée sur un système de mémoires, celles-ci sont créées et alimentées par l’homme (le fameux traducteur « humain »), souvent au fil de son propre travail. Dans pareil cas, la « machine » ne traduit donc pas, elle ne remplace pas le traducteur, mais elle l’assiste en retrouvant à sa place dans la mémoire des récurrences issues de projets antérieurs. Cela contribue donc largement à accélérer son travail, mais aussi et surtout à garantir une certaine cohérence stylistique et terminologique, et à réduire les coûts. Mais l’homme reste ici indispensable.

En quoi la traduction automatique est-elle différente ?

Microsoft, Google, Skype, tous les grands de l’informatique et/ou de l’internet se sont mis à la traduction automatique et ils proposent tous en permanence des améliorations de leurs systèmes. Et, donc, ils avancent vite. Car à la différence de la TAO, la traduction automatique est dotée d’une intelligence artificielle. Cela fait quoi, me direz-vous ? Et bien tout simplement, qu’elle est capable d’apprendre et de s’améliorer d’elle-même.

Aux origines (au siècle dernier !), la traduction automatique reposait sur des règles, inculquées manuellement par l’homme à la machine. Puis arrivèrent dans les années 90 les systèmes statistiques : en segmentant les phrases, la machine calculait les probabilités pour que tel ou tel segment d’une langue aille avec tel ou tel segment d’une autre langue. Et elle appliquait le choix qui lui semblait le plus probable !

Après le « statistique », c’est à présent le « neuronal » qui s’impose. Et là, on ne traduit plus par segment, mais par phrase ! Et en utilisant des réseaux de neurones, comme dans le cerveau humain, on apprend à la machine à apprendre ! On lui montre des exemples de textes dans 2 langues. Elle apprend alors toute seule et est capable de sortir un texte d’une langue vers une autre. Voire dans d’autres. Ainsi arrive-t-elle par exemple à faire de la traduction croisée : en lui fournissant des textes en frfançais vers anglais et anglais vers chinois, elle va « apprendre », faire le lien et être capable de ressortir des textes traduits du français au chinois !

Ces systèmes neuronaux sont capables aujourd’hui de produire des traductions de qualité impressionnante. Mais on reste quand même encore dans l’ordre du « compréhensible ». La traduction automatique n’est donc pas encore à appliquer à tout domaine. Car des problèmes subsistent.

Ainsi, comme déjà évoqué, le système neuronal fonctionne phrase à phrase. Du coup, il n’est pas (encore) capable de comprendre le contexte du document à traduire (dans quel but on fait cette traduction ? pour qui ? …), voire de se référer aux phrases précédentes ou suivantes, pour mieux en saisir le sens. Or, c’est souvent indispensable pour déceler les pièges, les subtilités et autres sous-entendus, donc pour bien traduire.

De même, il ne saisit pas les nuances de style au sein d’un même document, et ne peut pas non plus tenir compte des structures de phrases, notamment dans le but de les rendre plus naturelles dans la langue cible.

Sans compter que le système est pour l’instant très inégal selon les langues. Il peut en effet s’abreuver des nombreux textes présents en anglais sur internet. Mais comment faire pour les langues moins usitées ou plus rares sur le web ? La traduction automatique va donc indubitablement progresser vite en anglais… mais certainement beaucoup moins en farsi ou en ouzbek.

La traduction automatique n’est donc pas encore 100% au point. Mais elle est déjà applicable à certains créneaux (pour avoir une compréhension globale ou approximative d’un document ou d’un site). Et surtout, elle va se développer à l’allure d’un TGV, voire de la fusée Ariane. Alors pour le traducteur, autant la TAO représentait un défi lointain, autant la traduction automatique… c’est pour demain ! Elle évolue à vitesse grand V et il faudra être dans le bon wagon. Certains domaines de la traduction seront plus touchés que d’autres. Ainsi, dès lors qu’un texte nécessitera par exemple du « rédactionnel », la traduction automatique sera-t-elle moins opérationnelle. En tout cas pour l’instant. Le traducteur « humain » aura donc encore sa place. Mais pour de nombreuses autres applications, la traduction va évoluer. Il faudra que le traducteur le fasse aussi. Considérer l’évolution technologique comme une alliée, et non comme une ennemie. C’est là son plus grand défi !

Toutefois, si l’on sait à présent qu’il faudra évoluer… on ne sait pas encore vers quoi ni comment ! Quel sera le prochain rôle voué au traducteur ? Le post-editing ? Peut-être, mais pas seulement.

Le traducteur fait face à un nouveau challenge, où il aura une place à gagner et encore un rôle à jouer. A chacun de trouver sa place. Mais une chose est sûre : la traduction automatique n’enverra pas le traducteur au chômage. Enfin pas d’ici 2027 !

Articles en français sur la traduction automatique :

https://mastertsmlille.wordpress.com/2017/03/06/la-traduction-automatique-neuronale-et-lavenir-du-traducteur/

https://beelingwa.com/fr/blog/traducteurs-et-interpretes-tous-chomeurs-en-2025

http://www.lemonde.fr/pixels/article/2017/05/19/malgre-d-impressionnants-progres-la-traduction-automatique-a-encore-du-chemin-a-parcourir_5130546_4408996.html

https://interstices.info/jcms/nn_72253/la-traduction-automatique-statistique-comment-ca-marche

Articles en anglais sur la traduction automatique :

https://www.nytimes.com/2016/12/14/magazine/the-great-ai-awakening.html

http://content.lionbridge.com/neural-machine-translation-artificial-intelligence-works-multilingual-communication/